emporter la conviction de l'Op

 

La phrase type de l’OFPRA accordant le statut de réfugié est la suivante : 

« Les déclarations de l’intéressé sont apparues cohérentes, circonstanciées, spontanées » ou « crédibles, vraisemblables, empreintes d’émotion… ». 

Peu importent les synonymes, aucun des adjectifs qualificatifs ne fait référence à la véracité des faits. Ainsi, la décision d’accorder ou non le statut de réfugié ne répond pas à la question : « Est-ce une histoire vraie ? », mais découle de la suivante : « Le demandeur d’asile a-t-il convaincu l’OP ? »

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1) Qu'est-ce que l'intime conviction ?

 

En France, l’expression « intime conviction » est une notion de justice pénale qui fonde l’évaluation de la culpabilité d’un individu et le prononcé du jugement. L’utilisation de ce terme pour des personnes non supposées avoir commis une infraction surprend et interroge*.

À l’OFPRA, l’intime conviction permet à l’OP de prendre des décisions rapidement.

 

Lorsque je doute, mon chef me répond : « Fie-toi à ton intime conviction, ce sentiment indescriptible ressenti lorsqu’un demandeur d’asile ment. » Comme si reconnaître un réfugié reposait sur le mode de l’évidence pour tous.

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2) Quelques interrogations autour de l'intime conviction

 

Une étude*sur l’intime conviction dans le milieu judiciaire montre que lors d’un procès, l’absence d’obligation de rendre compte change le verdict des jurés. Sans impératif de motivation, ils ont tendance à émettre un jugement plus dur. L’intime conviction d’une personne dépend donc de l’absence ou non d’impératif de motivation du jugement qu’elle émet. 

 

L’étude montre également que « face à de l’indécidable, les magistrats préfèrent confirmer leurs opinions, donc recourir aux doxa qui circulent dans le monde social et judiciaire (…) » pour rendre leur verdict. L’intime conviction oriente donc « le jugement vers du connu plutôt que vers l’inconnu. »

 

En transposant les conclusions de cette étude au cadre de travail des OP, plusieurs interrogations peuvent être soulevées. Le fait que les propositions de rejet soient moins soumises à l’impératif de motivation que les propositions d’accord au statut de réfugié provoque-t-il un jugement plus dur de la part des OP ? Face à l’incertitude, le recours à la doxa est-il un moyen de confirmer l’intime conviction des OP ?

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3) L'intime conviction face au rendement et à la routine

 

Comment parvenir à livrer un récit intime quand l’OP, pressé de mettre fin à l’entretien, regarde sa montre ? Comment réussir à convaincre un OP usé par la routine des récits ?

 

Mon chef m’a annoncé que le renouvellement de mon CDD est conditionné par le fait que je propose moins d’accords. J’ai été embauchée pour déstocker. Je dois faire mon chiffre : deux décisions par jour. Pour ne pas oublier que le rendement est notre objectif, la hiérarchie offre aux OP les plus méritants une prime de plusieurs centaines d’euros.

Au fil du temps, les récits qui se succèdent m’apparaissent tous identiques. Quoi de plus normal ? Qu’est-ce qui ressemble le plus à une guerre qu’une autre guerre ? Je dois redoubler d’efforts pour que les visages des demandeurs d’asile ne s’effacent pas de ma mémoire lorsque je relis leur entretien.

La pression des chiffres et la routine me transforment alors en véritable machine à rejets.

Je parcours inlassablement le dictionnaire des synonymes à la recherche de termes négatifs : « insuffisamment explicite »,  

« incohérent », « incompréhensible »… J’oublie que ces mots arriveront à une personne qui les lira les larmes aux yeux.

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Le parfait demandeur d’asile comprend qu’aussi parfait qu’il puisse devenir,

l’obtention du statut de réfugié repose sur une notion subjective

et fluctuante : l’intime conviction.