voyage en terre d'asile
A ma grand-mère, partie en voyage, le jour de la publication de ce site
Les voyageurs, Céline Aho-Nienne pour le texte, Cédric Herrou pour la préface et Hippolyte pour l'illustration du manuel, ont deux points communs.
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Le premier est que leur vie a basculé, alors qu'ils avaient la vingtaine.
Cette période, où la jeunesse insouciante se rit de l'avenir, est marquée pour chacun d'entre eux par un événement. Un changement qui fait qu'après n'est plus la continuation d'avant. Comme l'événement : "il pleut". Avant : "il faisait soleil".
Après : le paysage n'est plus le même. Jusqu'à l'odeur de l'herbe est différente.
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Cet événement est le tremblement de terre d'Haïti pour Céline Aho-Nienne, une famille de migrants prise en stop pour Cédric Herrou et un voyage au Liban pour Hippolyte.
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Ces trois événements, qui s'inscrivent dans des terres chéries, meurtries, résistantes: Haïti, la vallée de la Roya et le Liban, ont fait irruption dans leur vie.
Céline Aho-Nienne, Cédric Herrou et Hippolyte les ont acceptés.
"Accepter, c’est encaisser le choc de son arrivée. C’est ensuite considérer l’événement comme un appel qui implique une réponse. Répondre signifie choisir un camp, s’engager" déclare le philosophe Jean-Luc Marion.
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Chacun d'entre eux a vu leur jeunesse être bouleversée par un événement. Chacun d'entre eux a répondu à l'appel. Chacun d'entre eux s'est engagé.
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Leur deuxième point commun est la liberté. Libres de leur parole, nos trois voyageurs nous racontent cet Autre si proche de Nous. Libres de leurs actes, ils agissent, non pas par devoir ou mus par quelconque culpabilité judéo-chrétienne.
Non, ils agissent car ils voient en l'Autre : un frère, une soeur, un enfant qui
Nous ressemblent.
"Nous savons que l'autre est en nous"
Edouard Glissant
Carte professionnelle OFPRA
Photo de Clio Simon, tournage du court métrage "Is it a true story telling ?" à l'IRCAM.
Céline Aho-Nienne
Née à la Réunion le 13 novembre 1984, Céline est officier de protection à l'OFPRA à l'âge de 25 ans. Elle entend les demandeurs d'asile et propose des accords au statut de réfugié ou rejette leur dossier. Après une année au Val de Fontenay, elle demande à être mutée à Basse-Terre en Guadeloupe.
En 2010, sa vie bascule avec le tremblement de terre d'Haïti. Les orphelins du "pays chéri" arrivent par vague, espérant trouver aux Antilles un refuge. Ce qu'ils ne savent pas c'est que le statut de réfugié n'est pas accordé aux survivants de catastrophes naturelles. Céline le leur annonce, de vive voix, en tête à tête. Au bout de 9 mois, face à la rigidité de l'administration devant les drames humains, elle démissionne.
En 2011, elle revient sur Grande-Terre, en Guadeloupe pour ouvrir la première antenne de la Cimade, association de défense des migrants. Céline est également accompagnatrice juridique au Centre de rétention des Abymes. "Dernier lien avec les sans-papiers en cours d'expulsion, j'ai traité des cas ubuesques dans une urgence absolue, puisqu'en Outre-Mer, le droit est dérogatoire pour les étrangers" se désole-t-elle.
En 2012, son activité lui vaut d'être traduite devant la Commission de déontologie de la fonction publique, qui juge ses fonctions antérieures à l'OFPRA incompatibles avec ses fonctions actuelles à la Cimade. La décision de l'administration est historique : "Interdiction de tout contact avec des demandeurs d’asile et le personnel de l’OFPRA en Guadeloupe pendant une durée de trois ans."
En 2013, elle alerte sur le mirage de la demande d'asile dans un article intitulé "Pourquoi il ne faut pas demander l’asile politique en France", publié sur Mediapart.
En 2018, elle participe au film de Clio Simon "Is it a true story telling ?" qui traite de la vérité des récits des demandeurs d’asile et de leur réception auprès des institutions françaises.
Témoignant de son expérience professionnelle dans de nombreux lieux, Céline constate que les demandeurs d’asile sont absents de ces événements, qui pourtant parlent d'eux. C'est la raison pour laquelle, elle décide d’écrire librement un manuel à leur destination, bravant le silence imposé aux petits soldats de l'OFPRA.
Cédric Herrou
Né à Nice le 22 juin 1979, Cédric Herrou s'installe, à l'âge de 23 ans, sur une terre escarpée dans la vallée de la Roya. Il remet sur pied les oliviers qui peuplent le terrain abandonné et y installe des poules.
En 2016, sa vie d'agriculteur bascule lorsqu' il prend en stop une famille de migrants.
"Il faut se représenter la route sinueuse, avec la falaise qui d’un côté monte en altitude et de l’autre tombe dans la Roya. Les laisser là-bas aurait été de l’ordre de l’indécence" affirme-t-il.
Dès lors, il transforme sa ferme, à quelques kilomètres de la frontière franco-italienne, en un lieu d’accueil pour des milliers d’exilés.
En octobre 2016, le New York Times lui consacre un article, médiatisant à l'international son combat.
Sa solidarité envers les migrants lui vaut onze gardes à vue, cinq perquisitions, cinq procès et cinq ans de lutte judiciaire.
En 2018, Cédric est définitivement relaxé. C'est une décision historique du Conseil constitutionnel qui consacre "la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national".
Cette même année, le réalisateur Michel Toesca lui consacre un documentaire intitulé "Libre".
En juillet 2019, Cédric crée la communauté Emmaüs Roya, première communauté paysanne du mouvement Emmaüs.
En 2020, il publie le livre "Change ton monde" qui retrace son parcours.
Depuis, il continue son combat avec humanité et détermination.
Photos de Pierre Terdjman, New York Times, 04/10/2016
Extrait de la BD "Les Ombres"
Affiche réalisée pour l'association SOS Méditerranée
Hippolyte
Né le 21 août 1976 à Annemasse, Hippolyte est un garçon timide qui apprend à parler en même temps qu'à dessiner.
À l'âge de 20 ans, sa vie bascule lors d'un voyage au Liban. Volontaire sur un chantier humanitaire artistique, il découvre un pays en guerre et une jeunesse vivante qui lui donne envie de faire ses premiers carnets de voyage.
"Ce sentiment continue de m’habiter constamment durant les voyages : aller voir, vivre et raconter" explique-t-il.
Illustrateur, auteur de BD, reporter, photographe, metteur en scène, réalisateur, graphiste, affichiste, journaliste, plasticien, Hippolyte est libre dans sa façon de raconter des histoires.
En 2013, avec Vincent Zabus, il réalise "Les Ombres", une bande dessinée poétique sur le thème de l’exil qui donne à voir le récit d'un jeune demandeur d'asile.
En 2021, il embarque sur l'Ocean Viking avec l'association SOS Méditerranée en tant que BD reporter et membre de l’équipe de sauvetage. Durant les deux mois passés sur le navire de secours, il ressent et comprend. Cette expérience le marque profondément.
Son journal de bord est publié dans le quotidien Libération. Ses articles relatent avec sincérité et délicatesse le courage des hommes, des femmes et des enfants qui franchissent le "mur" Méditerranée.
Aujourd'hui, artiste engagé, Hippolyte désire dans ses oeuvres "décrire une goutte d'eau le plus précisément possible pour raconter l'Océan."
Photo du site Le Paratonnerre